Coronavirus : le monde du travail et de la formation doit s’adapter
Deux arrêtés de fermeture, appel aux règles de distanciation
Le gouvernement a pris un arrêté visant à limiter la vie sociale, qui ajoute à l’interdiction de certains rassemblements, la fermeture des établissements d’enseignement scolaires et universitaires et des crèches, ainsi que de certains établissements (bars, discothèques, etc.). Cet arrêté, publié au Journal officiel du dimanche 15 mars 2020, a été modifié par un nouvel arrêté publié au JO du lundi 16 mars, plus précis, notamment sur les commerces encore autorisés à ouvrir (c’est tout à fait exceptionnel, puisqu’il n’y a pas, habituellement, de JO le lundi !).
Le contenu des interdictions est résumé en fin d’article, sous forme de tableau récapitulatif.
Pour insister solennellement sur l’importance des gestes et comportements « barrières », ce nouvel arrêté précise en liminaire que, « afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. Les rassemblements, réunions, activités et accueils qui ne sont pas interdits (...) sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures » (arrêté du 15 mars 2020, JO du 16, texte 2).
Télétravail impératif pour tous les postes qui le permettent
Le moyen le plus efficace pour lutter contre la diffusion du coronavirus étant de limiter les contacts physiques, le ministère du Travail considère que chacun, employeur comme salarié, peut contribuer à lutter contre cette diffusion, en ayant recours, chaque fois que possible, au télétravail.
Il est donc impératif, selon le ministère que tous les salariés qui peuvent télétravailler recourent au télétravail jusqu’à nouvel ordre.
Emplois non éligibles au télétravail : règles de distanciation
Les règles de distanciation et les gestes barrières pour les emplois non éligibles au télétravail doivent impérativement être respectés.
Les entreprises sont invitées à :
- limiter au strict nécessaire les réunions (la plupart peuvent être organisées à distance, les autres doivent être organisées en respectant les règles de distanciation) ;
- limiter les regroupements de salariés dans des espaces réduits ;
- annuler ou reporter les déplacements non indispensables ;
- adapter au maximum l’organisation du travail (ex. : rotation d’équipes).
Restaurants d’entreprise
Les restaurants d’entreprise peuvent rester ouverts. Néanmoins, il convient de les aménager pour laisser un mètre de distance entre les personnes à table.
L’étalement des horaires de repas est recommandé.
Activité partielle (ex-chômage partiel)
Toutes les entreprises dont l’activité est réduite du fait du coronavirus et notamment celles (restaurants, cafés, magasins, etc.) qui font l’objet d’une obligation de fermeture sont éligibles au dispositif d’activité partielle (depuis le 1.07.2013, nouveau nom du chômage partiel).
En substance, ce mécanisme permet de réduire ou suspendre temporairement l’activité. L’employeur ne verse pas de salaire au titre des heures non travaillées par les salariés concernés, mais doit indemniser les heures perdues en dessous de la durée légale du travail ou, lorsqu’elle est inférieure, en dessous de la durée conventionnelle ou contractuelle du travail (c. trav. art. L. 5122-1 et R. 5122-19).
Les autorisations d’activité partielle, accordées jusqu’à présent en moins de 48 h, vont sans doute prendre un peu plus de temps (quelques jours) devant l’afflux de demandes.
Néanmoins, les remboursements versés aux entreprises au titre seront calculés à partir de la date de demande, même si l’autorisation de l’administration intervient quelques jours plus tard. Muriel Pénicaud a précisé, sur LCI, que les remboursements interviendraient sous les 10 jours.
Ce dispositif est activable de manière dématérialisée sur www.activitepartielle.emploi.gouv.fr.
Et le « chômage partiel » des indépendants et employés à domicile ?
Les indépendants et les employés à domicile ne sont aujourd’hui pas éligibles au dispositif d’activité partielle. Une solution d’indemnisation sera présentée prochainement.
Pour les indépendants, elle pourrait passer via des IJ maladie, mais l’arbitrage est aux mains de Bercy, qui est à la manœuvre sur cette question.
Ce qui va changer techniquement pour l’activité partielle |
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• Rappelons que le 13 mars, M. Pénicaud a précisé que (voir notre information du 13 mars 2020) : - conformément aux règles de droit commun, l’indemnité horaire d’activité partielle versée par les employeurs aux salariés à l’échéance normale de paye correspond à 70 % du brut (environ 84 % du net selon le ministère, compte tenu du différentiel de charges sociales entre salaire et indemnités d’activité partielle) ;- en revanche, par dérogation, les employeurs seront remboursés à 100 % de l’indemnité d’activité partielle versée (alors qu’en principe, c’est un montant forfaitaire de 7,74 € ou 7,23 € selon l’effectif de l’entreprise). Ce remboursement intégral pourrait inciter les entreprises qui le peuvent à compenser unilatéralement tout ou partir de la perte de rémunération subie par le salarié (dans le cas général, de l’ordre de 16 % selon le ministère du Travail). • Les salariés au SMIC en activité partielle conserveraient un montant égal au SMIC net, par le jeu de la règle dite de la « rémunération mensuelle minimale (RMM) ». Celle-ci, qui ne concerne en principe que les salariés à temps plein, serait rendue applicable, selon nos informations, aux salariés à temps partiel, au prorata de leur durée contractuelle de travail. En pratique, la RMM peut amener l’employeur à compléter les indemnités d’activité partielle afin d’arriver au niveau du SMIC net. En l’état des règles au 15 mars 2020, le complément versé par l’employeur au titre de la RMM ne lui est pas remboursé. • Ces mesures (remboursement à 100 %, levée de la restriction « temps partiel » sur la RMM) restent tributaires des textes à paraître. |
Salariés parents d’enfant de moins de 16 ans
Lorsque le télétravail est possible, c’est la solution la plus adaptée selon le ministère.
Si le télétravail n’est pas possible et que le parent n’a pas de solution de garde pour ses enfants de moins de 16 ans, il peut demander un arrêt de travail indemnisé. Le salarié bénéficie des IJSS maladie de droit et, s’il répond aux conditions requises, aux IJ complémentaires au titre du maintien de salaire employeur prévu par le code du travail ou la convention collective, sans délai de carence (décret 2020-73 du 31 janvier 2020 modifié ; décret 2020-193 du 4 mars 2020).
Pour cet arrêt maladie, il n’y a pas à aller chez un médecin pour obtenir un certificat. L’employeur ne peut pas refuser cet arrêt de travail ; il doit le déclarer sur un site dédié de l’assurance maladie (https://declare.ameli.fr), qui précise les règles à suivre. Soulignons que l’employeur doit procéder aux autres formalités requises (signalement arrêt maladie en DSN, etc.), comme pour n’importe quel arrêt maladie.
À l’heure où nous rédigeons, un seul parent à la fois peut se faire délivrer un arrêt de travail à ce titre (attestation sur l’honneur à donner à l’employeur : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/covid-19-attestation-garde-enfant.pdf).
Cet arrêt de travail, accordé pour 14 jours, sera renouvelé de façon à couvrir la durée de fermeture de la structure d’accueil de l’enfant. Il est possible de fractionner l’arrêt de travail ou de le partager entre les parents sur la durée de fermeture de l’établissement (arrêt de travail en alternance pour l’un ou l’autre).
Par ailleurs, selon nos informations, les modalités de calcul de ces IJSS « parents » pourraient être révisées, ce qui améliorerait l’indemnisation des salariés sans maintien de salaire employeur, et réduirait le complément employeur dans les autres cas.
Pour mémoire, l’IJSS maladie est, schématiquement, égale à 50 % du salaire retenu dans la limite de 1,8 SMIC (2 771,01 € par mois base 35 h), sans pouvoir dépasser 45,55 € par jour en 2020. L’idée d’un IJSS qui couvrirait 90 % du salaire net est évoquée. Mais ce point reste à concrétiser, et dans quelle limite de salaire (toujours 1,8 SMIC ?).
Distribution et logistique
Des textes devraient assouplir certaines règles de droit du travail, afin de garantir les chaînes d’approvisionnement pour les entrepôts et la logistique (travail du dimanche, notamment).
Le but est, notamment, de permettre à la grande distribution de faire face aux problématiques d’approvisionnement.
CFA et organismes de formation
Dans un second communiqué de presse diffusé le 15 mars au soir, le ministère du Travail a précisé les règles applicables aux CFA et aux organismes de formation.
Suspension de l’accueil en formation, poursuite de l’activité à distance. - Tous les CFA et les organismes de formation doivent suspendre l’accueil en formation, et ce jusqu’à nouvel ordre.
Ce principe s’applique à l’ensemble des personnes en formation quel que soit leur statut.
Les organismes de formation et les CFA sont invités à poursuivre l’activité, à travers des modalités de formation à distance.
Sort des apprentis et salariés en contrat de professionnalisation. - Pour les CFA, les apprentis en formation devront rejoindre leur entreprise. Si celle-ci est en activité partielle, ils en bénéficieront au même titre que les salariés.
Le « coût contrat » est maintenu et sera payé par les OPCO. Les CFA ne pourront donc pas avoir accès à l’activité partielle, sauf décision de fermeture par la préfecture.
Les salariés en contrat de professionnalisation bénéficieront des mêmes mesures, y compris sur la modalité de financement et de prise en charge par les OPCO. Les organismes de formation ne pourront donc pas avoir accès à l’activité partielle au titre de cette activité de formation en alternance.
Organismes de formation : maintien de l’activité à distance si cela est possible. - Pour les organismes de formation, le principe est de privilégier le maintien de l’activité lorsque les formations peuvent se poursuivre par un enseignement à distance et donc le maintien du financement de la prestation par leur financeur.
Le ministère souligne que les règles de contrôle de service fait évoluent pour permettre l’organisation de la formation à distance avec des modes de preuve facilitées et allégées. Ainsi, les preuves pourront être apportées par tout moyen.
En cas de besoin, les décalages éventuels des sessions seront rendus possibles.
En cas d’impossibilité de maintenir temporairement l’activité, les règles d’activité partielle s’appliquent aux salariés du centre ou de l’organisme de formation concerné.
Assistance du ministère du Travail. - Pour accompagner les CFA et les organismes de formation à recourir à la formation à distance, le ministère du Travail mettra prochainement à disposition des centres de formation, de leurs stagiaires ou apprentis, des outils et des contenus numériques.
Les restrictions des arrêtés de fermeture |
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Un arrêté du 14 mars 2020 (JO du 15, texte 16), modifié dès le lendemain par un arrêté du 15 mars (JO du 16, texte 2) a posé un certain nombre d’interdictions, visant à limiter les rapports interpersonnels en vue de ralentir la propagation du virus. |
I) Établissements d’accueil des enfants et d’enseignement scolaire et supérieur |
• En France métropolitaine, les établissements scolaires et universitaires ainsi que les crèches sont fermés à compter du lundi 16 mars 2020 jusqu’à nouvel ordre (pour l’instant, l’arrêté prévoit une fermeture jusqu’au 29 mars 2020). Certaines exceptions sont prévues pour les enfants de moins de 16 ans des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire. Dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, la décision est prise par le préfet si les circonstances locales l’exigent. |
II) Interdiction des rassemblements |
• Les rassemblements de plus de 100 personnes, en intérieur comme en extérieur, sont interdits (jusqu’au 15 avril, à l’heure où nous rédigeons ces lignes). Seuls ceux indispensables à la continuité de la vie de la Nation peuvent être maintenus à titre dérogatoire par le préfet du département. • Le préfet peut interdire ou restreindre, les rassemblements, réunions ou activités de moins de 100 personnes. • Il est également interdit aux navires de croisière et aux navires à passagers transportant plus de 100 passagers de faire escale en Corse, et de faire escale ou de mouiller dans les eaux intérieures et les eaux territoriales des départements et régions d’outre-mer, ainsi que de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, Saint-Pierre- et-Miquelon, et Wallis-et-Futuna, sauf dérogation accordée par le représentant de l’État. |
III) Fermeture des établissements accueillant du public |
• Une série d’établissements accueillant du public, considérés comme non indispensables à la vie de la nation, doivent rester fermer depuis le 15 mars 2020 (à l’heure où nous rédigeons ces lignes, jusqu’au 15 avril 2020) : - au titre de la catégorie L : salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;- au titre de la catégorie M : magasins de vente et centres commerciaux (sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commande, qui restent autorisées) ; - au titre de la catégorie N : restaurants et débits de boissons (l’interdiction ne concerne pas leurs activités de livraison et de vente à emporter, le « room service » des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat) ; - au titre de la catégorie P : salles de danse et salles de jeux ; - au titre de la catégorie S : bibliothèques, centres de documentation ; - au titre de la catégorie T : salles d’expositions ; - au titre de la catégorie X : établissements sportifs couverts ; - au titre de la catégorie Y : musées ; - au titre de la catégorie CTS : chapiteaux, tentes et structures ; - au titre de la catégorie PA : établissements de plein air ; - au titre de la catégorie R : établissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf exceptions au profit des enfants de moins 16 ans des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire (voir point I du tableau). • Parmi les magasins et commerces (catégorie M), seuls certains, considérés indispensables peuvent rester ouverts : commerces alimentaires, supérettes, hypermarchés, pharmacies, banques, stations-service ou de distribution de la presse, blanchisserie, commerce de détail d’ordinateurs, hôtels, commerce de détail pour animaux, etc. La lise complète figure en annexe de l’arrêté du 15 mars 2020 (JO du 16, texte 2 ; voir https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041723302). Les services publics resteront ouverts y compris ceux assurant les services de transport. • Les établissements de culte, relevant de la catégorie V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion de plus de 20 personnes en leur sein est interdit jusqu’au 15 avril 2020, à l’exception des cérémonies funéraires. |
Communiqués de presse du ministère du Travail du 15 mars 2019 ; interview de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, sur LCI (dimanche 15 mars 2020, 17 h 30) ; arrêté du 14 mars 2020, JO du 15, texte 16 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041722917 ; modifié par arrêté du 15 mars 2020, JO du 16, texte 2 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041723302